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Édifié vers 1150 par Gui IV Le Bouteiller de Senlis, le château domine le comté de Senlis grâce à son formidable donjon, certainement le plus haut du domaine royal capétien à l'époque de sa construction (1190-1200).

 

Témoignage d'un passé médiéval prestigieux, les vestiges du château-fort comportent, outre le donjon dont la hauteur de 38 mètres le rend visible jusqu'à 25 km à la ronde, une enceinte polygonale dont les douves datent du XIIe siècle, un châtelet d'entrée (du XIIIe siècle, remanié au XIVe siècle, surélevé et transformé au XVIe siècle) dont le pont-levis permet l'accès à une basse-cour. De là, on accède, par un autre pont-levis au réduit fortifié (datant du XVe siècle), constituée par une grande courtine dotée d'un chemin de ronde comportant des mâchicoulis sous les créneaux, reliant la tour maîtresse, elle-même rehaussée d'un niveau, au logis seigneurial et sa tour semi-circulaire.

 

Le château et sa seigneurie ont appartenu à une succession de familles ou de personnages historiques, proches des rois de France. A l'origine possession des Le Bouteiller de Senlis, véritables bras armés des premiers capétiens directs ayant participé aux côtés de Louis VI le Gros à sa lutte contre les seigneurs féodaux rebelles ou à l'octroi des chartes de liberté aux Communes, aux croisades (2ème avec Louis VII le Jeune et sa première épouse Aliénor d'Aquitaine, 3ème avec Philippe II Auguste mais aussi à Bouvines, 7ème avec Saint Louis).

 

Au début de la guerre de Cent Ans, Robert de Lorris en réalise l'acquisition en 1353 alors que, de modeste notaire-secrétaire de Philippe VI de Valois, il est devenu chambellan du futur Jean II le Bon. Ses démêlés avec Étienne Marcel, le célèbre prévôt des marchands de Paris (son propre beau-frère!) prendront un tour tragique lors de la Grande Jacquerie (dont sera également victime son fils aîné, Gilles de Lorris, comte-évêque de Noyon et pair de France). Le château et sa seigneurie seront transmis à son fils Jean de Lorris, puis à Marguerite de Lorris qui l'apporte en dot lorsqu’elle épouse Philippe de Villiers, seigneur de Lassy.

 

En 1383, Montépilloy passe entre les mains d'Enguerrand VII de Coucy, le dernier de la « race des géants » (le donjon de Coucy était le plus monumental du monde féodal, tant occidental qu'oriental, jusqu'au XIVe siècle : 54 mètres de hauteur). Gendre du roi d'Angleterre, Edouard III, prétendant à la succession de son grand-père, le duc d'Autriche, Léopold de Hasbourg, c'est seulement sous Charles VI qu'il sera Grand Bouteiller de France puis Maréchal de France, déclinant par deux fois l'épée de Connétable... Charge qui fut finalement attribuée à Olivier IV de Clisson, autre ancien compagnon de Bertrand du Guesclin.

Le Connétable de Clisson est seigneur de Montépilloy en 1389, qui lui sera confisqué un temps en 1392 suite à l'accès de folie de Charles VI.

 

Dès 1407, les archives de l'importante campagne de travaux réalisés au XVe siècle sur le château attestent du retour en possession de Guillaume II Le Bouteiller de Senlis. Celui-ci fut chambellan de Charles VI, de son frère le duc Louis 1er d'Orléans, puis du fils aîné de ce dernier et de Valentine Visconti, Charles d'Orléans. Ce dernier (dont le fils deviendra Charles VIII) accompagnera souvent Guillaume II à Montépilloy, durant la période des travaux dirigés très vraisemblablement par Jean Aubelet.

 

L'assassinat de Louis 1er d'Orléans, en 1407, par son cousin, le duc de Bourgogne Jean sans Peur, fut le révélateur de la guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs. Ce qui entraînera la confiscation de Montépilloy en 1411, qui n'abrite qu'une faible garnison de 5 écuyers et 4 arbalétriers, sous les ordres de Jean de Hangest ou de son lieutenant, Guillaume de Maignelers. Guillaume l'Escalot devient gouverneur de Montépilloy, alors aux mains de Charles VI le Fol, avant que les château, ville et seigneurie ne soient cédés, en 1412, à un partisan bourguignon, Pierre II des Essarts, Grand Bouteiller de France, souverain maître des Eaux et Forêts du royaume. En sa qualité de garde de la prévôté de Paris, il assure l’approvisionnement de la capitale, ce qui lui vaudra le surnom de « Père du peuple » lors de la révolte des cabochiens. Soupçonné de trahison par ces derniers, il est décapité en 1413, avant la reprise en mains par les Armagnacs. En 1417, l'un d'eux, Robert d'Esne (gouverneur de Coucy, pour le prince Charles d'Orléans, s'y étend rendu célèbre pour sa résistance lors du siège de 1411), nommé par Charles VI bailli de Senlis, est contraint de se réfugier à Montépilloy, bientôt assiégé par les anglo-bourguignon en 1420, qu'il bat grâce à l'aide de Guillaume de Gamache (capitaine de Compiègne), Nicolas de Bosquiaux (gouverneur de Pierrefonds) et Gui IV de Nesle (seigneur d'Offémont). Mais finalement en 1422, Montépilloy tombe aux mains de la garnison anglaise de Creil dont la ville et château furent sous la garde de Charles de Soyécourt, capitaine.

 

Suite au sacre de Charles VII le 17 juillet 1429, le régent Jean de Lancastre duc de Bedford lance un défi à Jeanne d'Arc. Les deux armées vont s’affronter à Montépilloy, les 14, 15 et 16 août 1429.

Pour la première fois Charles VII se comporte en véritable souverain et chef de guerre, il organise son armée. A l'avant-garde : le duc Jean II d'Alençon, Louis 1er de Bourbon comte de Vendôme ; le corps d'armée : René d'Anjou, duc de Bar et de Lorraine ; la troisième bataille : Charles VII, Charles de Bourbon comte de Clermont, Georges sire de La Trémoille ; aux ailes : les maréchaux de France, Jean de Brosse seigneur de Boussac et Sainte-Sévère, Gilles de Laval-Montmorency dit Gilles de Rais (le légendaire « Barbe-Bleue ») ; à la tête des réserves : Jean le Bâtard d'Orléans (fils naturel de Louis 1er d'Orléans) dit le Beau Dunois ; à l'arrière-garde Charles II d'Albret vicomte de Tartas, Etienne de Vignolles dit La Hire, son page Antoine de Chabannes, Jacques 1er de Chabannes seigneur de La Palice, Jeanne d'Arc, les gens de trait commandés par Jean Molet sire de Graville et Jean Foucault seigneur de Saint-Germain ; le contingent des Écossais avec leur connétable Patrick O'Gilvy seigneur d'Auchterhouse, shérif héréditaire d'Angus.

Montépilloy est la dernière bataille de la Pucelle au coté de Charles VII, en effet l'entourage du roi préfère continuer à délivrer la France par les négociations, et Jeanne d'Arc va désormais affronter seule son destin...

Si Bedford bat en retraite au soir de la bataille, il arme chevalier Jean bâtard de Saint-Pol et Jean V de Créquy, comme le furent huit autres nobles du contingent bourguignon : Hue de Lannoy, Jean de Croy, Antoine de Béthune, Simon de Lalaing, Jean de Fosseux, Dreu de Humières... ce qui expliquerait la précipitation du duc de Bourgogne, Philippe le Bon, à créer l'ordre des chevaliers de la Toison d'Or, début 1430, souhaitant marquer ainsi sa volonté d'émancipation.

 

En 1431, la forteresse est sapée et minée par les senlisiens et les gens du roi.

De retour d'Angleterre en 1440, où il a été retenu otage depuis 1412 avec le fils cadet de Louis d'Orléans, Jean d’Angoulême (grand-père de François 1er), Guillaume III Le Bouteiller de Senlis retrouve son château ruiné, ses terres dépeuplées et en friches. Il cède en 1461, le château et la seigneurie, à son cousin Bertrand VI de La Tour, comte d'Auvergne et de Boulogne (arrière-grand-père de Catherine de Médicis). Son père Bertrand V, compagnon d'arme de Jeanne d'Arc, ainsi que son beau-père Georges sire de La Trémoille, étaient dans les rangs de l'ost royal à Montépilloy. C'est également le cas d'Antoine de Chabannes, devenu capitaine de la compagnie des Écorcheurs après le renvoi des troupes sans solde, qui ne reviendra en grâce à la cour de France qu'après son mariage avec Catherine de Nanteuil, qui le fera comte de Dammartin. Ses relations tant avec Charles VII qu'avec Louis XI oscilleront constamment entre disgrâce et attribution des plus hautes charges et distinctions (quoique ni parent, ni allié, il est qualifié de « cousin du roi »). Expert en aménagement des forteresses (Saint-Fargeau, Dammartin), permettant de résister au tir d'artillerie, il est Grand Maître de France au moment de la reprise des hostilités entre Louis XI et Charles le Téméraire, à qui il reprend Montdidier, Saint-Quentin, Amiens et Roye.

 

En 1474, Bertrand VI de La Tour, comte d'Auvergne et de Boulogne, cède le château et le fief de Montépilloy à Antoine de Chabannes.

Son fils, Jean de Chabannes, seigneur de Saint-Fargeau, comte de Dammartin, Maréchal de France, présente aveux et dénombrements de Montépilloy au roi Charles VIII, dont il est par ailleurs le chambellan.

 

En 1496, Montépilloy est vendu à un autre chambellan du roi Charles VIII : Guillaume de Montmorency, « premier baron chrétien » ou « premier baron de France ». Transmis à son fils Anne de Montmorency en 1520, compagnon d'enfance de François 1er, dont il épousa la cousine, Madeleine de Savoie, en 1529. Il reçoit l'épée de Connétable de France en 1538, suite à sa victoire sur les impériaux de Charles Quint, toutefois il tombe en disgrâce en 1541.

C'est sous le règne d'Henri II qu'il retrouve cette dignité et qu'en 1551 ses domaines sont érigés en duché-paierie. Il sera encore connétable sous François II et enfin sous Charles IX. Le Connétable meurt en 1567.

Son fils aîné lui succède : François de Montmorency sera gouverneur de Paris, qu'il est contraint de quitter avant le massacre de la Saint-Barthélémy. A la mort de ce dernier sans postérité, lui succède son cadet : Henri 1er de Montmorency, qui rend aveu au roi en 1582 pour Montépilloy. En août 1589, une bataille rangée eu lieu dans la plaine située entre le château de Montépilloy et l'abbaye de la Victoire à l'issue de laquelle les troupes royalistes décimèrent les Ligueurs. Toutefois en 1591, ces derniers prennent et brûlent le château. En 1593, Henri IV nomme Henri Ier de Montmorency connétable.

A sa mort, lui succède son fils Henri II de Montmorency, amiral de France, maréchal de France. Suite aux intrigues du cardinal de Richelieu, Montmorency prend la tête de la rébellion de la province du Languedoc, dont il est gouverneur. En 1632, Henri II de Montmorency est décapité à Toulouse. Alors sans postérité, il laisse une sœur, Charlotte Marguerite de Montmorency (qui fut le dernier amour d'Henri IV et la cause de sa mort), toutefois ses biens sont confisqués au profit de Louis XIII, qui en devient le seigneur.

 

C'est seulement suite à la victoire de Rocroi, le 18 mai 1643, remportée par Louis II de Bourbon 4ème prince de Condé dit le Grand Condé, sur les Tercios espagnols - réputés invincibles jusque là, sauvant ainsi le trône du jeune Louis XIV - que le domaine est restitué aux parents du vainqueur : Charlotte-Marguerite de Montmorency et son époux, Henri II de Bourbon 3ème prince de Condé, « premier prince du sang ». Ambitieux, il participe à la Fronde, ce qui permet son arrestation sur l'instigation de son rival, le cardinal de Mazarin, et la confiscation de ses domaines au profit de Louis XIV.

Son fils, Henri-Jules de Bourbon 5ème prince de Condé, rend aveu au roi en 1692 pour la terre et la seigneurie de Montépilloy. Son arrière-petit-fils, Louis IV Henri de Bourbon 7ème prince de Condé, est un proche du régent, le duc Philippe d'Orléans. Ce qui lui permettra, durant la minorité de Louis XV d'amasser une immense fortune, notamment en raison du rôle clé qu'il joua dans la crise du système de Law en 1720. Cette fortune lui permit de faire construire par Jean Aubert, les plus Grandes Écuries d'Europe à Chantilly.

Lui succède Louis V Joseph de Bourbon 8ème prince de Condé, prestigieux chef de guerre, hanté par le souvenir de son aïeul le Grand Condé, il est aussi un veneur confirmé, et vient quelques fois chasser à Montépilloy. Le lendemain du 14 juillet 1789, il quitte le royaume de France pour prendre le commandement de l'armée des Émigrés. Ce qui entraînera la confiscation de ses biens, et plus tard l'enlèvement du duc d'Enghien, son petit-fils, fusillé dans les fossés du château de Vincennes sur ordres de Napoléon Bonaparte.

 

Montépilloy sera mis en vente par adjudication en tant que Bien National au profit du ci-devant notaire royal, le citoyen Desprez, notaire à Senlis.

Son fils, notaire à Paris, vendra Montépilloy au fermier dont la famille sera propriétaire jusqu'en 2010.

 

Les vestiges du château de Montépilloy furent inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques le 9 septembre 1935, puis classés Monument Historique le 9 mai 1963.

CHÂTEAU DE MONTÉPILLOY : HISTORIQUE

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